
Le Hutin Vieux
Pris au dépourvu par le désir de se livrer à une mystérieuse jeune femme, un homme se confie. Le lieu lui est familier, son interlocutrice peu (…)
vendredi 22 octobre 2021 , par
NoMade - Hors Série n°1Il en resta estomaqué. Le culot je crois. Son élan coupé net par le toupet, lequel concourt au défi aussi bien qu’au grotesque de nos existences. Pourtant quelques secondes auparavant était-il lancé. La spirale de violence semblait puiser dans la jalousie un élan inconsolable. Après un premier coup d’œil sur cet homme trop apprêté, mocassins Saint-Laurent et foulard-écharpe en soie, il avait détecté une gêne dans le sourire empourpré de sa femme. Son regard frôlant furtivement le sol pour se perdre dans un songe, tel un aveu, un témoignage de culpabilité si ce n’est d’une infidélité, peut-être d’un désir larvé. Tu le connais. Oui, enfin je l’ai rencontré quelquefois à l’occasion de réunions. Il n’en fallait guère davantage pour que son imagination s’égarât en suspicieuses conclusions. Pourtant, il était venu de bon gré assister à ce vernissage. Quelque ami ou membre éloigné de la famille. Un artiste inconnu en tout cas. Des poignes, des doigts écrasés. Des regards fuyants. Bref, les habituels salamalecs. Se succédaient dans la galerie depuis la fin d’après-midi des officiels obligés, quelques badauds. Puis ils étaient arrivés. Un peu plus tard que prévu. Elle, avait traîné à sortir ses fils. Deux affreux Jack Russel, ne dépassant pas trois kilos tout mouillés, laissés pour l’heure sous la garde de la voisine. Il tolérait ce duo de rats canins chez lui davantage par devoir que par amour, inscrivant ce ridicule comportement maternel à leur égard sur le compte de ses espiègleries. La plupart du temps en effet, les facéties de son épouse se révélaient, à l’instar de ses éclats de rire ostentatoires, des oasis lumineuses dans un quotidien stressant. Lui, capitaine d’industrie en devenir, subissait jusque tard le soir les affres d’un employeur aussi paternaliste que caractériel. Aussi, avait-il dû justifier d’un rendez-vous client pour s’éclipser un peu plus tôt qu’à l’accoutumée. Même si ce fut avec du retard, il honora ainsi la promesse faite le matin même à sa jeune épouse. C’est important pour moi. Je serai là. Promis. Oui. Dis-le. Tu as ma parole, promis. À leur arrivée, encore peu habitués aux mondanités, se confondaient-ils en excuses. Ils déposèrent leurs affaires au vestiaire. Excusez-moi. Prirent ensuite le cocktail à la mode : une coupe de champagne avec glaçons. Pardon. En vinrent à saluer quelques collègues de l’association. Ma chérie, tu es magnifique. Mon mari. Enchanté. Enchantée. Enchantées. Enchantés. Ton cousin est un artiste. C’est le génie de la famille. Et toi, tu peins. Non, moi je suis la marrante. Excusez-moi. Pardon. Ils rejoignirent leurs places. Face à eux, le programme des discours déroulaient. Mais il n’est pas attentif. Monte en lui la fureur. Une tempête de haine pour ce type qui se permet de séduire sa femme. Un regard méchant dans sa direction. Elle sent son mari bouillir. Elle sait pourquoi. Bien qu’habituée – et pas encore lassée, elle en est honteusement flattée. Puis le taquine. Faut dire qu’il est bel homme. Tu veux que je le tue. Sans attendre la réponse il se lève. Se dirige vers le lieu du crime. La femme emboîte son pas. La scène bien que théâtrale ne souffre aucun public. Malgré la première volée d’injures et de menaces qui filent en direction du présumé coupable d’adultère, personne ne semble vouloir détourner son attention de l’estrade où l’artiste dégurgite maintenant ses remerciements. Pourtant, la situation guignolesque d’une silhouette grassouillette suspendue au bras d’un homme à la carrure de taureau, ruant vers un auditoire se tortillant d’inconfort sur ses sièges, pourrait divertir l’assemblée la plus compassée. D’autant que l’on connaît le goût pour le sang et les larmes d’un public averti. Le massacre semble inévitable tant la cible de la colère maritale a frêle allure. Elle paraît même insoucieuse. Jusqu’à ce que, clouée sur sa chaise en plastique par la masse de son vis-à-vis, un poing furieux soit sur le point de s’abattre sur sa barbe fraîchement taillée. Persistent les cris étouffés et gênés de l’épouse. Chéri, arrête. Il grogne, encouragé par la détresse perçue dans le ton de sa femme. Arrête. Sa voix se fait malicieuse - ce qui, compte tenu de la situation, ne manque pas de l’interpeler. Je parlais du mec derrière lui.
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