Dé-conte de la solitude

Sur le thème du souvenir

samedi 8 avril 2023 , par Marx Teirriet

Écrit à l’origine pour la voix-off d’une poésie audiovisuelle qui n’a pas été menée à terme, ce poème a finalement été intégré à la nouvelle de Marx Teirriet, Le peuple des hautes solitudes, à l’occasion de sa parution dans Le P’tit Canard n°9. Il en constitue le journal intime du héro de l’histoire.

L’âge ne se mesure pas en années ;

le temps ne se divise pas en heures,
          minutes, secondes…

Il s’additionne en expériences.
Se soustrait en disparitions.

— 

La permanence des subdivisions
          nous interroge.
Pis, 
nous sommes sourds,
          sauf à notre persistance ;

le fracas de nos habitudes 
et de nos inquiétudes
coule une chape de renoncements
jusque dans l’intimité
          de nos consentements.

— 

Ne sont que chimères ces aiguilles
qui tournent en rond.
          Comme des rêves ressassés.

Lors que seuls les songes suspendent 
leur course concentrique, nous remontons inlassablement le fil de l’illusion 
laissant le verbe et l’image hypnotiser 
nos sens au philtre du désir ;
          ensorceler notre réalité.

— 

La mémoire est comme une marée :
elle se retire et elle revient,
elle descend et elle monte.
Or, sur l’enclume du présent,
          sont forgés les souvenirs altérés.

Étranges sont les souvenirs :
ils forment un territoire connu
          — mais qui nous méconnaît.

— 

Et la vie se prolonge.
S’étire jusque dans le souvenir
          Inattendu,
          Oublié,
des premières clartés, originelles

— des premiers ciels étoilés,
des premiers horizons, des espérés —

que le ressacs conduit
          jusqu’aux ultimes rivages.

— 

Le chemin se floute.
Les scrupules agonisent.
Le vertige des écueils a disparu.
Le prurit du paraître s’est vautré
          dans l’absence.

Et nous sommes seuls.
En nous-mêmes. En nous-autres.

— 

Repenser à l’enfance aujourd’hui,
C’est éprouver le bannissement.

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